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15/01/2012

L’éveil des sens


 « L’éveil du printemps, paru en 1891, suscita un scandale lors de sa création en 1906. La pièce fut même interdite parce qu’elle choquait la morale. En effet, elle met en scène des adolescents  qui s'éveillent à la sexualité, et se posent des questions sur leur corps, leurs études, leur avenir, le sens de la vie, et auxquels les adultes ne donnent « pas l’ombre d’une explication claire ». La pièce interdite en 1908, fut autorisée en Allemagne en 1912, avec des coupures.

Elle est reprise aujourd’hui dans une mise en scène d’Omar Porras, créée, l’automne dernier à Genève et reçue au Théâtre 71. Le texte est adapté. Neuf comédiens se partagent quelque dix-sept rôles. Jeunes et adultes sont donc joués par les mêmes, avec ces curieux masques qui portent la griffe du metteur en scène. Certains passages sont chorégraphiés, chantés sur des musiques d’aujourd’hui (Alessandro Ratoci) et l’esprit corrosif du texte de Wedekind est totalement respecté, mieux, il est servi avec intelligence. 

Wendla Bergmann (Jeanne Pasquier) souhaite apprendre de sa mère (Olivia Dalric) les mystères de la naissance, mais cette dernière, par pruderie, les cache à sa fille : « enfant tu es, enfant tu resteras ».  étrange amour maternel qui tait les secrets de la vie mais n’hésite pas à livrer sa fille à faiseuse d’anges !

Les autres adolescents, filles ou garçons ne sont pas mieux éclairés, sauf Melchior (Paul Jeanson), déjà nietzschéen, rebelle et averti qui a rédigé un essai sur le « coït ». Moritz (François Praud), plus soumis, angoissé par l’échec finit par se suicider. Martha (Anna-Lena Strasse) se résigne à être battue. Ilse (Sophie Botte) abandonne l’école et la vertu, pose pour des peintres, en attendant d’être, un jour, « jetée aux ordures ». Otto (Adrien Gygax) et Hans (Alexandre Ethève) ricanent de tous avant de s’apercevoir qu’ils s’aiment. Les adultes auraient pu les guider. Mais ni M. Gabor, ni la directrice de l’école (Peggy Dias), ni le pasteur, ni aucun professeur ne sauront les aider, les apaiser. Au nom d’une religion étouffante, prisonniers d’une morale étroite, ils condamnent les enfants qui leur sont confiés. Fanny Gabor (Sophie Botte) qui entourait son fils d’une douce confiance, devra céder à la rigueur. Melchior s’échappe de la maison de correction où son père l'avait fait incarcéré et rencontre un « personnage masqué », ange ou démon d’une « nuit de Walpurgis » dont il sera le nouveau Faust. Imaginaire et réalité s’enchâssent dans une superbe mise en scène.

L’histoire se joue dans un décor unique : un pan de ruine romantique dans la nature : au lointain des arbres, au sol, un humus sombre, terre riche, matière organique dont la chair est faite et où on plante aussi les croix des tombes. Deux portes, l’une basse, qui s’ouvre sur les choix de Wendla. L’autre à hauteur d’homme pour les adultes. Les jeunes entrent par la forêt, ou grimpent sur le mur. L’amour et la mort défient la société policée. La jeunesse ne craint ni l’une, ni l’autre. C’est la vie avec ses injustices et ses contradictions qu’elle appréhende.

Si Frank Wedekind peint le désarroi des adolescents, il pose également les problèmes d’une éducation austère, d’une intransigeance qui « juge un jeune homme sur son livret scolaire ».

A-t-on évolué depuis 1891 ? Ou Wedekind serait-il un précurseur ?

 

 

 

 

 

L’éveil du printemps de Frank Wedekind

Mise en scène et adaptation d’Omar Porras

Théâtre 71 jusqu’au 28 janvier

01 55 48 91 00

 

 

 

 

05/10/2011

« Mésentente parfaite »

théâtre,cinéma,théâtre 71 

Ils avaient théâtralisé leurs débats, et le dimanche soir, nous écoutions Georges Charensol et Jean-Louis Bory au Masque et la Plume pour jubiler de leurs affrontements. Les querelles argumentées sont toujours tellement plus intéressantes que les plates louanges ! L’un commençait toujours par s’opposer à l’autre, et les joutes auxquelles ils se livraient suscitaient le désir d’aller vérifier la sincérité de leurs critiques. On allait au cinéma pour donner raison à Bory et tort à Charensol, ou l’inverse. Mais on avait envie d’aller au cinéma…

François Morel a eu l’idée de faire incarner ces journalistes passionnés et passionnants, par Olivier Broche (Bory) et Olivier Saladin (Charensol). Je ne connaissais que leurs voix, mais ils avaient « tout à fait la tête de Bory », et « le profil de Charensol », m’ont dit ceux qui les ont croisés à Cannes. Déjà physiquement à l’aise avec leurs personnages, les comédiens pouvaient interpréter leurs rôles avec brio. Et c’est un bonheur…

François Morel a effacé les autres intervenants du Masque et n’a gardé que les duettistes à la « mésentente parfaite ». Il les situe dans une salle de projection un peu désuète, où les deux rangées de fauteuils, incomplètes, sont séparées par un large tapis rouge. théâtre,cinéma,théâtre 71Cette frontière aisément franchissable, devient espace scénique de dispute et de réconciliation, tandis qu’au fond, la cabine de projection peut se transformer en castelet de guignol (décor d’Édouard Laug). Il a imaginé une sorte d’Ariel, esprit ludique et bienfaisant. Lucrèce Sassella au piano, tout de rouge vêtue, module et chante la « météo marine » qui précède l’émission. Elle fera le lien entre chaque séquence, où ils dissèquent un film. Elle entraîne les deux protagonistes dans des chorégraphies fantaisistes et même les tance quand ils vont trop loin : « On le fera plus, Madame », diront-ils penauds comme des enfants.

Car c’est un jeu entre eux, un duo plus qu’un duel. Ils « traquaient les engouements de la mode », dira d’eux Bertrand Poirot-Delpech qui succéda à François-Régis Bastide pour diriger l’émission.

théâtre,cinéma,théâtre 71Quand l’un est agressif, l’autre est goguenard. Quand l’un est méprisant, l’autre est généreux. Mais ils sont d’accord sur l’essentiel : le cinéma est un art qu’ils défendent avec force. Et, pour Les Parapluies du Cherbourg, lorsque l’un dit : « c’est de la guimauve ! », l’autre dit : »c’est de la romance », que le piano attaque la mélodie, les voilà « dans le film », mimant la scène d’adieu, et s’éloignant sous un parapluie (lumière de Gaëlle Malglaive). Et lorsque Bory décrit la scène finale de Cris et Chuchotements, Charensol se tait, saisi, lui aussi par la même émotion...

Quel plus bel hommage pouvait-on rendre à ces deux amoureux du cinéma ?

 

 

 Photos : Manuelle Toussaint

Instants critiques de François Morel d’après les échanges de Georges Charensol et Jean-Louis Bory au Masque et la Plume

 

Théâtre 71 à Malakoff

 

01 55 48 91 00

 

www.theatre71.com

 

Jusqu’au 23 octobre

 

 

 

puis en tournée :

 Montpellier (Théâtre Jean Vilar) : 3 et 4 novembre,

puis Feignies, Cognac, Arcachon, Divonne-les-Bains, Villefontaine, Bourges, Vendôme, Ermont, Martigues, Saint-Etienne du Rouveray, Cébazat, Besançon, Gradignan, Saintes, Les Sables d'Olonne, Deauville, Canteleu, Vienne, Beauvais, Albi, Quimper, Cesson-Sévigné, Tarbes

 

29/09/2011

Anniversaire

 

 

 

Mardi soir, on fêtait à Malakoff, les quarante ans du théâtre 71.

Oui, le théâtre qui a transformé la Place du 11 novembre, a été créé en 1971, et ainsi dénommé parce qu’on célébrait, à l’époque, le centenaire de la Commune de Paris (18 mars-28mai 1871).

En ce temps-là on ne lésinait pas sur la culture. Et la municipalité a continué, et continue malgré la crise, de soutenir tout ce qui peut enrichir l’esprit et les relations humaines. Le sénateur Jack Ralite donna à son historique des accents d’épopée.

Grand moment d’émotion où l’on retrouva les témoins et ceux qui par leur action, leur ténacité donnèrent une âme à ce lieu. Le nouveau, Pierre-François Roussillon, recevait aussi l’ancien directeur Pierre Ascaride, et sans nostalgie, on fit des projets pour l’avenir.

 

Après les discours, ce fut « place au Théâtre » évidemment, avec L’Augmentation de Georges Pérec. Dans ce parcours du combattant que constitue une demande d’augmentation, deux comédiens éblouissants, dirigés par Anne-Laure Liégeois. Ce petit chef d’œuvre d’ironie, analyse sociologique pimentée de burlesque vient à point dans notre paysage « récessionnaire »…

La pièce est programmée au Rond-Point. Ne la laissez surtout pas passer. Vous saurez tout ce qui vous attend si vous osez vous plaindre de vos bas salaires, et de votre faible pouvoir d’achat.

Dur, dur d’être prolo !